Les Rebelles Naseem Lahri

« Ne laissez personne vous dire que vous ne pouvez pas exercer le métier qui vous plaît. »

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Naseem a grandi dans une famille nombreuse au Botswana, pays réputé pour ses réserves de diamants. Benjamine de 6 enfants, elle connaît une enfance compétitive. Très tôt, elle doit s’endurcir pour trouver sa place auprès de ses aînés : « J’ai dû me battre pour exister, cela m’a appris à faire entendre ma voix », se souvient-elle.

Avec deux parents actifs, tous les deux propriétaires de magasins, Naseem a su également très tôt ce qu’elle ne voulait pas faire. « Mon père était le propriétaire d’un bazar, ma mère a tenu une station-service, puis une épicerie. Les jours fériés, nous les passions dans la boutique de mon père. Je me suis juré de ne jamais travailler dans un magasin. J’avais vraiment besoin de plus de variété ! ».

Bonne élève, Naseem a fréquenté des écoles publiques et privées, en se destinant à une carrière dans les affaires. Son diplôme en poche, elle rencontre son futur mari lors d’une expédition de pêche. Elle se marie à 18 ans, juste après son inscription en Comptabilité à l’Université du Botswana. « Je savais ce que je voulais, j’ai toujours eu un plan de carrière », affirme Naseem. « Ma philosophie est qu’il vaut mieux accomplir un maximum de choses tant que l’on est jeune. Fonder ma famille le plus tôt possible a été l’une des meilleures décisions que j’ai pu prendre. » 

Jeune mariée, Naseem a obtenu son diplôme de comptable, eu son premier enfant puis décroché son diplôme de comptable agréé et enfin une maîtrise en management stratégique à l’Université de Derby, au Royaume-Uni. « J’ai reçu beaucoup de soutien de la part de mon mari et de ma famille », dit-elle. « Mon mari, chef de deux entreprises de tourisme et d’hôtellerie savait à quel point ma carrière comptait pour moi. En même temps, je n’ai jamais placé mon travail avant ma famille non plus – j’ai toujours jonglé entre les deux, à égalité. “

Juste avant la naissance de son deuxième enfant, une fille, Naseem a commencé à travailler comme comptable dans l’industrie houillère. Fait rare pour elle, ce changement de carrière s’est avéré accidentel. « Mon mari n’est pas Motswana, ce qui nous a posé un problème en termes de permis de travail et de résidence, et nous a obligé à déménager, à Palapyei. J’ai eu la chance d’y décrocher un poste dans une société minière ». La même société a fini par être rachetée par la Debswana Diamond Company. « Je savais que j’avais trouvé le domaine d’activité qui me convenait. C’était dynamique, les jours se suivaient mais ne se ressemblaient pas. Je suis tombé amoureuse de cette industrie », se souvient Naseem. « L’industrie minière est essentielle à l’économie du Botswana et j’ai compris à quel point quand je me suis lancée dans l’extraction du charbon. Mais son impact économique est moindre que celui des diamants sur notre PIB. 80% de nos exportations proviennent de la vente de diamants, ce qui représente la majorité des revenus du Botswana. »

Avec le recul, Naseem s’est rendue compte que l’industrie du diamant avait joué un rôle prépondérant dans sa réussite. « L’intégralité de ma scolarité au Botswana a été financée par le secteur, sans parler des routes, des hôpitaux, des écoles et des infrastructures, notre gouvernement étant actionnaire de ces sociétés ; grâce aux dividendes, taxes et redevances perçus par l’industrie du diamant. Cette prise de conscience n’a fait que renforcer ma passion pour cette industrie. J’ai décidé de devenir la première directrice générale d’une société minière au Botswana. Car je savais que toutes les décisions que je prendrais à la tête de cette entreprise auraient un impact direct sur l’amélioration du quotidien de mes concitoyens. “

Bien que Naseem en ait fait son objectif de vie, ce n’était pas une tâche aisée. « En tant que femme, il est beaucoup plus difficile de s’élever dans la hiérarchie. « Comptable agréé à l’époque, j’essayais de devenir directrice générale d’une entreprise minière sans expérience technique en exploitation minière ni en géologie. » 

Naseem vivait ce préjugé comme une injustice. « En tant que directrice financière ou comptable agréée, vous êtes comprenez forcément le fonctionnement de votre entreprise, de A à Z. Alors pourquoi ne pouvais-je pas percer ce plafond de verre ? Je ne cessais de répéter que j’étais capable d’assumer ce poste. Je suis devenue directrice financière de Lucara Botswana.

Après cinq ans, leur nouvelle PDG a vu mon potentiel. J’ai été promu directrice générale ! J’avais enfin atteint mon objectif. »

Ce poste est sa plus grande fierté professionnelle. En plus d’être le couronnement de décennies d’engagement et de travail acharné, il a également permis à Naseem d’ouvrir les portes à d’autres femmes, qui lui ont emboité le pas.

“Avant ma promotion, j’étais la seule femme à m’assoir à la table du conseil.  Depuis l’arrivée de notre nouvelle PDG, ce conseil est désormais constitué à 75% de femmes. »

«70% de mon équipe d’experts comptable est constituée de femmes. Et ces chiffres sont en augmentation. »

Dans l’année qui a suivi l’arrivée de Naseem au poste de directrice générale, l’entreprise a amélioré sa politique de congé maternité, mis en place des conditions de travail plus flexibles et, dernièrement, depuis la crise de la COVID-19, a développé un programme de travail à domicile pour les employés obligés de rester à la maison pour s’occuper de leurs jeunes enfants. Et chez Lucara Botswana, on ne connaît pas de différence de salaires entre les hommes et les femmes. 

Le conseil de Naseem aux filles qui souhaitent se hisser au sommet de leur industrie ? « Ne laissez personne vous dire que vous ne pouvez pas exercer le métier qui vous plaît. Soyez forte, travaillez dur et restez centrée sur votre objectif. Si vous ne progressez pas, changez de parcours ; vous devrez peut-être prendre un autre virage pour arriver à destination. N’abandonnez jamais, concentrez-vous sur la ligne d’arrivée. C’est ainsi que vous y parviendrez ! »