La Fondation Bemberg Célèbre l’Art Joaillier

Derrière chaque exposition se cache une vision, une lecture du passé éclairée par le regard du présent. Celle d’Ana Debenedetti, directrice de la Fondation Bemberg et ancienne conservatrice au Victoria and Albert Museum de Londres, s’impose par sa finesse d’analyse. Grâce à elle, j’ai pu découvrir pour Only Natural Diamonds les pièces réunies pour l’exposition D’Or et D’Éclat. Un privilège qui éclaire la richesse de cette traversée joaillière au cœur de la Renaissance.

C’est à Toulouse, au sein de l’hôtel d’Assézat, que la Fondation Bemberg célèbre cette année une double actualité. D’un côté, le trentième anniversaire de son musée ; de l’autre, un dialogue inédit avec le musée national de la Renaissance – Château d’Écouen. De cette rencontre naît une exposition d’ampleur : D’or et d’éclat. Le bijou à la Renaissance. Un titre qui dit l’essentiel sans dissimuler l’ambition d’une relecture. Car ici, le bijou Renaissance n’est pas réduit à sa seule fonction décorative. Il devient un objet d’étude, inscrit dans une époque où l’art, le pouvoir et le commerce s’entrelacent.



Jusqu’au 27 juillet 2025, le visiteur est invité à redécouvrir un pan souvent négligé de l’histoire de l’art et de la joaillerie ancienne. Loin de la vitrine statique, l’exposition se déploie en six sections, selon un parcours à la fois chronologique et thématique. L’atelier de l’orfèvre, point de départ, rend hommage à la complexité des techniques et à la circulation des modèles dans une Europe en pleine mutation. Gravures, recueils et prototypes sculptés forment un langage commun, partagé d’un royaume à l’autre.


À mesure que l’on avance, c’est toute une cartographie sociale et politique qui se dessine. Le bijou, instrument de représentation, accompagne les fastes des cours princières et les obligations diplomatiques. Plus qu’un accessoire, il endosse un rôle de messager. Des portraits miniatures offerts aux émissaires jusqu’aux insignes d’ordres chevaleresques, chaque pièce condense un récit visuel.

Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Collection Edmond de Rothschild, inv. 4877
Photo © GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Adrien Didierjean
Ce regard transversal, nourri de prêts exceptionnels venus de collections prestigieuses (Louvre, V&A, British Museum…), révèle combien la Renaissance a su faire du bijou un médium à part entière, au carrefour de l’intime et du public. À travers cet accrochage minutieux, la Fondation Bemberg redonne à ces bijoux anciens une voix : celle d’un siècle en quête d’harmonie entre beauté, pouvoir et savoir.


H. 2,3 ; ép. 0,6 ; D. 2 cm • Écouen, Musée national de la Renaissance – château d’Écouen, inv. E.Cl. 8987 • Photo © GrandPalaisRmn (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) / Adrien Didierjean
Car cette époque bouleverse la hiérarchie médiévale en plaçant désormais l’homme au centre de ses préoccupations. Dans le sillage d’Érasme ou de Montaigne, les humanistes questionnent la place de l’individu, réhabilitent la connaissance et redécouvrent les textes antiques avec une rigueur nouvelle. L’objet d’art devient alors vecteur de pensée ; le bijou, réceptacle des tensions entre science, foi, esthétique et expression personnelle.

Dans ce contexte, le bijou Renaissance n’est plus un simple ornement : il incarne la quête d’un savoir-faire nourri par l’intelligence humaine. Porté, transmis, offert, il devient à la fois miroir de l’époque et trace d’une ambition plus vaste — celle de comprendre et de façonner le monde à hauteur d’homme.
À travers cette traversée sensible et érudite, l’exposition rappelle combien la Renaissance fut l’âge d’un savoir-faire sublimé par l’intelligence du regard, où l’art du bijou devient un langage savant, au croisement du geste, de la pensée et du monde.