Diamants, intrigues et révolution

Il n’a jamais orné le cou d’une souveraine, mais il porte en lui le souvenir d’un scandale d’État. Le 17 juin prochain, Artcurial mettra aux enchères la plus ancienne réplique connue du fameux collier de la Reine, au cœur d’une affaire qui contribua à éroder la légitimité de la monarchie à la veille de la Révolution.

Conservée dans la famille du joaillier genevois Lucien Baszanger (1890–1971), descendant direct de Paul Bassenge, co-créateur du collier original, cette réplique a été réalisée d’après les dessins d’époque. Montée en alliage d’argent et de métal, elle est sertie de pierres d’imitation sur paillon et reproduit fidèlement la composition « en esclavage » du bijou disparu. Utilisée à plusieurs reprises au cinéma et exposée notamment au Château de Versailles, elle constitue un rare témoin matériel d’un objet mythifié.

L’affaire du collier de la Reine éclaboussa la cour de France à la veille de la Révolution. Le bijou de près de 650 diamants totalisant 2 800 carats attira l’attention de Jeanne de La Motte, une comtesse désargentée, qui monta une incroyable escroquerie impliquant à son insu la reine Marie-Antoinette. Usant de faux courriers, d’une doublure de la souveraine et d’un réseau d’intermédiaires, Jeanne persuada le cardinal de Rohan que la reine désirait acquérir la parure en secret. Le prélat accepta de s’en porter acquéreur. Les pierres furent rapidement démontées et revendues à l’étranger. Bien que la reine ne fût en rien mêlée à la fraude, son nom resta durablement attaché à l’affaire.

Lucien Baszanger, dont la maison fondée à Genève en 1914 était spécialisée dans les bijoux anciens, a précieusement conservé cette réplique, conçue comme un hommage à l’héritage familial. Mise en vente pour la première fois, cette pièce raconte moins une parure qu’un enchaînement de malentendus devenu symbole de la fragilité du pouvoir.