Comment les bijoux de Marie-Antoinette et d’autres diamants royaux français finissent aux enchères

Voici comment des bijoux historiques comme le bracelet en diamants de Marie-Antoinette finissent aux enchères chez Christie’s.

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Les bracelets en diamant de Marie-Antoinette

Quand un bijou en diamant provenant d’une collection royale   se retrouve aux enchères, une secousse d’excitation parcourt le marché. La vente est l’occasion de voir de près ou, si l’argent n’est pas un problème, d’acheter un morceau d’histoire étincelante.

Il se trouve que tout cela se passe en ce moment même : le monde des amateurs de bijoux s’enthousiasme pour une paire de bracelets en diamants de Marie-Antoinette fabriqués par un bijoutier nommé Boehmer, qui sont vendus à l’adresse suivante  Christie’s à Genève le 9 novembre  après une tournée mondiale qui comprend des arrêts à New York, Hong Kong, Shanghai et Pékin. Les bijoux de Marie-Antoinette évoquent des images d’une cour presque mythique à Versailles. Ils rappellent également le biopic de 2006 de Sofia Coppola sur la reine malheureuse, avec ses costumes aux couleurs bonbon et ses images de rêve.2006 biopic of the ill-fated queen with the candy-colored costumes and dreamy visuals.

Lire la suite : Le Diamant du Grand Mazarin : L’histoire de l’un des plus célèbres joyaux de la couronne française

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Portrait de Marie-Antoinette, reine de France, 1775, Versailles, par Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty
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Portrait de Marie-Antoinette par Adolf Ulrich Wertmuller, portant les bracelets, peut-être réunis en chatelaine, dans les jardins du Petit Trianon avec deux de ses enfants, dont une jeune Madame Royale.

L’estimation des bijoux de Marie-Antoinette est de 2 à 4 millions de dollars, mais personne ne sera surpris s’ils se vendent plus cher. Les bracelets, qui sont sertis de 112 diamants pesant au total environ 145 carats, étaient très chers lorsque la reine de France les a achetés au printemps 1776. L’historien français de la joaillerie Vincent Meylen a trouvé les reçus de la vente des bijoux dans les papiers personnels du roi Louis XVI. Il a également révélé qu’ils avaient été payés à l’origine en espèces et en pierres précieuses.

Alors comment les bijoux de Marie-Antoinette se sont retrouvés aux enchères ? Et où sont-ils passés pendant toutes ces années ?

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Dans un portrait réalisé en 1816 par Antoine-Jean Gros, Madame Royale (la fille de Marie-Antoinette) porterait les bracelets en diamants vendus chez Christie’s à Genève. Photo Wikipedia Commons
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Les bracelets en diamant de Marie-Antoinette
Photo : Christie’s

Avant le début de la Révolution française en 1789 et l’emprisonnement de la famille royale, Marie-Antoinette a emballé certains de ses bijoux préférés dans un coffre en bois et les a envoyés en Autriche, son pays natal, pour les mettre en sécurité. Des années plus tard, le roi Louis XVI et la seule enfant survivante de Marie-Antoinette, Marie-Thérèse de France, connue sous le nom de Madame Royale, ont reçu les bijoux. Depuis, ils ont été transmis aux membres de la famille et voilà qu’ils ont enfin atterri aux enchères. 

Les nouveaux amis du Louvre sont l’une des nombreuses organisations qui pourraient enchérir sur les bracelets de Marie-Antoinette. Au cours des dernières décennies, l’organisation a acheté des bijoux ayant appartenu à des membres importants de la noblesse française et les a offerts au musée. 

Une vue de la Galerie d’Apollon du Louvre où sont exposés les bijoux ayant appartenu à la noblesse française.
Photo : 2020 Musée du Louvre Antoine Mongodin

De nombreux joyaux de la couronne française ont été mis sur le marché libre parce qu’ils ont été vendus lors d’une vente aux enchères tristement célèbre organisée en 1887 par le gouvernement français et intitulée “Les diamants de la couronne de France”.
En négligeant délibérément l’esthétique et l’histoire de la collection, la Troisième République a monté un dossier pour se débarrasser des joyaux royaux en les qualifiant de frivoles. En réalité, les fonctionnaires pensaient que toute personne dont la famille avait porté les bijoux pourrait soudainement les revendiquer – et le pouvoir politique qu’ils représentaient – s’ils restaient dans le trésor français. La mission des Amis du Louvre a consisté à acheter le plus grand nombre possible de ces bijoux.

Une vitrine de la Galerie d’Apollon du Louvre présentant plusieurs bijoux de l’impératrice Eugénie Photo : 2020 Musée du Louvre Antoine Mongodin

En janvier 2020, le Louvre a dévoilé une nouvelle installation des bijoux qu’il a acquis, à la hauteur de l’histoire et de la majesté de ces trésors. Ils sont installés dans l’historique Galerie d’Apollon, une salle de réception démesurée conçue à l’origine pour Louis XIV, qui a inspiré la galerie des Glaces de Versailles. La grandeur de l’espace vous donne l’impression que le Roi Soleil et sa cour pourraient entrer à tout moment.

Certains des plus éblouissants bijoux en diamant exposés ont appartenu à Eugénie, la dernière impératrice de France et épouse de Napoléon III. Icône du style du Second Empire, elle travaillait souvent en étroite collaboration avec des joailliers pour réaliser ses pièces extraordinaires.

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Grand nœud de corsage de l’impératrice Eugénie par François Kramer dans la boîte rouge originale de la vente des Joyaux de la Couronne française de 1887.
Photo : 2016 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle

La spectaculaire broche à nœud en diamants d’Eugénie, réalisée par François Kramer en 1855, n’était pas assez spectaculaire à son goût. Elle l’a fait modifier pour y inclure cinq serpentins de diamants et deux grands glands. De haut en bas, le bijou mesure près de neuf pouces de haut. Eugénie le portait comme un stomacher, une décoration épinglée au décolleté. 

Lorsque le noeud a été vendu aux enchères en 1887, il a été acheté par un bijoutier nommé Schlessinger pour Caroline Astor, la doyenne de la société new-yorkaise de l’âge d’or. Le Louvre a acquis le bijou en 2008 lorsqu’il a été remis sur le marché.

Dans un portrait de 1853 de Franz Xaver Winterhalter, l’impératrice Eugénie porte son diadème en perles et diamants et tient la main sur sa couronne en or, diamants et émeraudes, toutes deux réalisées par Alexandre-Gabriel Lemonnier. Photo Getty
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Diadème en diamants et perles de l’impératrice Eugénie, conçu par Alexandre-Gabriel Lemonnier en 1853. Photo : 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle

L’étonnante tiare en perles et diamants de l’impératrice Eugénie, réalisée par Alexandre-Gabriel Lemonnier en 1853, était un cadeau de mariage. Il est serti de près de 2 000 diamants pesant plus de 60 carats et d’environ 200 perles et pourrait facilement rivaliser avec les bijoux de Marie-Antoinette.

La pièce a été vendue lors de la vente aux enchères de 1887 et acquise peu après par la famille royale allemande de Thurn et Taxis. Près de 100 ans plus tard, Gloria, la princesse Thurn et Taxis – que l’on surnommait autrefois la “princesse punk” pour son style sauvage – l’a portée lors de son mariage avec le prince Johannes en 1980. Les Amis du Louvre l’ont acheté lors d’une vente aux enchères de la succession Thurn und Taxis en 1992 et l’ont offert au musée.

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Vue de profil du diamant Régent de 140,64 carats Photo : 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle
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Vue aérienne du diamant Regent de 140,64 carats Photo : 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle

Le gouvernement de la Troisième République a peut-être été impitoyable dans sa décision de vendre les trésors de la Couronne française aux enchères en 1887, mais il y avait quelques diamants historiques qu’il n’a pas eu le courage de mettre sur le marché.
L’un d’eux était le diamant Regent de 140,64 carats – ou, comme le disent les Français, Le Régent. Cette pierre légendaire provient des légendaires mines de Golconda, en Inde. La forme magistrale de la gemme a nécessité deux ans de taille. Elle est pratiquement sans défaut et sa couleur est excellente. Le Régent a été porté dans différentes couronnes par Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII, Charles X et Napoléon III. Le cambrioleur Napoléon Ier l’a fait enchâsser dans son épée. Pendant un temps, il a brillé dans l’un des diadèmes de l’impératrice Eugénie.

Aujourd’hui, le diamant Régent est exposé au Louvre, aux côtés de nombreux autres trésors de la couronne française. Qui sait, peut-être les bracelets de Marie-Antoinette rejoindront-ils bientôt l’exposition.

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Vue latérale du diamant rose à cinq faces Hortensia Photo : 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle.
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Vue aérienne du diamant rose à cinq côtés Hortensia.
Photo : 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle.
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Crown of Princess Eugenie
Photo: 2016 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Stéphane Maréchalle